Taxation des revenus et de la fortune: les quatre saisons des impôts suisses

S’il existe une instance de l’état qui ne nous oublie pas, c’est bien l’administration fiscale qui se rappelle régulièrement à notre bon souvenir : la déclaration d’impôt durant l’hiver, la taxation à la fin de l’été, les acomptes juste avant les Fêtes… Les années se mélangent et les formulaires se ressemblent : il est parfois difficile de s’y retrouver ! Alors que l’échéance pour la déclaration d’impôts 2022 vient d’être dépassée, penchons-nous sur le déroulement d’une année fiscale pour y voir un peu plus clair.

Un peu d’histoire (c’est mon dada)

Jusqu’au début du 21e siècle (eh oui, le début du 21e siècle, c’est déjà de l’histoire !), les impôts étaient encore perçus, dans certains cantons, selon le système praenumerando bisannuel. Ce nom barbare recouvrait un système qui voulait que tous les deux ans, les impôts soit calculés et payés sur les revenus des deux années précédentes. Ainsi, en 1999, les Vaudoises et les Vaudois ont rempli la déclaration d’impôt 1999-2000, qui se basait sur les revenus gagnés en 1997 et 1998. Vous suivez ?

Le seul avantage de la technique, c’est que nous ne devions nous plier à la corvée impôts que tous les deux ans. Pour le reste, nous nous retrouvions parfois à payer des impôts calculés sur un montant que nous ne gagnions plus, et cela d’un seul coup.

Le parlement fédéral a décidé d’unifier les différentes pratiques cantonales, et depuis une vingtaine d’année, le système prévoit une taxation postnumerando annuelle. C’est à dire qu’en 2023, les Suissesses et les Suisses remplissent la déclaration d’impôts 2022 qui se base sur les revenus 2022. Et pour éviter de tout devoir payer d’un coup, il leur est proposé de payer des acomptes.

Tout cela veut dire qu’une année fiscale se déroule réellement sur plusieurs années : entre l’arrivée des acomptes, la déclaration d’impôts puis la taxation, il y a au moins 18 mois qui passent.

Concrètement, ça se déroule comment ?

Étape 1 : les acomptes

En fin d’année, nous recevons les acomptes pour l’année suivante. Ils sont calculés sur la dernière taxation fiscale. Nous pouvons demander à les modifier pour coller au mieux à notre situation financière. L’idée est de les payer tous les mois, pour éviter de devoir acquitter la totalité de la somme d’une seule fois après avoir rempli la déclaration d’impôts. C’est le grand plus de la taxation postnumérando annuelle, que ce soit pour l’administration fiscale ou pour nous.

Nous recevons en tout 13 bulletins de versement : le premier, destiné aux fourmis, permet d’acquitter de l’intégralité des acomptes d’un seul coup. Les autres permettent un paiement mensuel. Quel est l’avantage de tout payer d’un coup ? L’administration fiscale pouvant disposer de notre argent en avance, selon l’adage « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », elle le rémunère souvent un peu plus que les banques !

Attention à ne pas sous-estimer le montant de vos acomptes : une fois la décision de taxation prise, l’administration fiscale vous facturera des intérêts pour la période allant de la fin de l’année concernée à la date de la décision. Si vous ne payez aucun acompte avant de recevoir la décision de taxation, le même principe s’applique : vous devrez payer des intérêts sur l’intégralité de la somme due. A moins d’être une fourmi, il vaut donc mieux informer l’administration fiscale d’un changement de situation financière !

Étape 2 : la déclaration d’impôt

Elle arrive généralement à la fin du mois de janvier et grâce aux nombreuses façons de la remplir en ligne (qui incluent confier cette responsabilité à une fiduciaire !), l’enveloppe ne comprend plus que quelques feuilles, dont le formulaire d’envoi. Mais certains d’entre nous se rappellent encore l’épaisse enveloppe qui arrivait en début d’année, avec le formulaire principal et ses annexes en double exemplaire : il fallait sortir crayon gris, gomme et calculatrice pour faire nous-même les calculs des potentielles déductions auxquelles nous avions droit !

Dans la majorité des cantons, elle doit être remplie et renvoyée pour le 15 ou le 31 mars. Les cantons proposent maintenant des logiciels à télécharger et/ou la possibilité de la remplir en ligne. Plus besoin de potasser les instructions pour calculer la déduction pour le logement ou les frais de transports déductibles : l’informatique le fait pour vous. C’est peut-être un détail pour vous, mais c’est un sacré progrès pour tous !

Quelques petits trucs pour vous faciliter la vie :

  • Pour un emploi à plein temps, le nombre de jours ouvrables par année est de 240 : on calcule donc le nombre de jours pour des temps partiels au prorata de ce chiffre.

  • Pour calculer la distance entre votre domicile et votre emploi, le plus simple est d’utiliser un site de cartographie en ligne, pour ne citer aucun nom: si l’administration fiscale questionne votre calcul, vous pourrez ainsi le justifier.

  • Par défaut, vous n’avez pas d’annexes à joindre à votre déclaration d’impôt. Au besoin, le logiciel avec lequel vous la remplissez vous demandera au moment de l’envoi de joindre certains justificatifs. Gardez en revanche précieusement les documents qui vous ont servi à la remplir pour pouvoir les transmettre ultérieurement si nécessaire.

L’administration fiscale de votre canton patiente généralement jusqu’à la fin du printemps avant de vous sanctionner, si vous ne l’avez pas renvoyée dans les temps. Vous recevrez d’abord un rappel, puis une sommation qui vous coûtera quelques dizaines de francs en général, et enfin, si vous ne faites rien, une taxation d’office, qui est rarement à votre avantage : elle va se baser sur les informations à disposition, en sachant que votre employeur, si vous en avez un, lui envoie automatiquement votre attestation de salaire. Pour s’assurer qu’aucun revenu ne lui échappe et probablement pour vous inciter à remplir votre déclaration d’impôt l’année suivante, ce revenu sera majoré de façon conséquente : il n’y a donc aucun intérêt à ne pas remplir sa déclaration d’impôt, et ce, même si vous n’avez aucun revenu.

Étape 3 : la taxation fiscale 

Elle arrive plus ou moins rapidement, en fonction de la complexité de votre situation mais aussi de la date d’envoi de votre déclaration. Suivant les déductions que vous avez faites ou en cas de modification significative de votre situation financière, l’administration fiscale va vous demander des justificatifs et cela prolongera le temps de traitement de votre demande.

La majorité des décisions de taxation sont prises entre la fin de l’été et le début de l’automne de l’année suivante : à l’automne 2022, la majorité d’entre nous a reçu sa taxation fiscale de 2021. Cela vaut la peine de la lire attentivement avant de la classer pour s’assurer que vous êtes d’accord avec les calculs de l’administration fiscale : comme toute décision officielle, elle peut être contestée si vous avez de bons arguments.

C’est d’autant plus important que c’est ce document qui peut vous être demandé pour confirmer votre situation financière !

Enfin, voici un document récapitulatif crée par le canton de Vaud qui résume le calendrier fiscal 2023.

Et voilà pour la chronologie d’une année fiscale : puisque nous n’échappons pas à l’impôt quand on vit en Suisse, autant comprendre au mieux son fonctionnement pour se débarrasser plus rapidement de la corvée ! D’ailleurs, vous l’avez remplie, cette déclaration ? Ou vous faites comme moi, et vous envoyez une belle enveloppe à votre fiduciaire ?